RACE FOR GLORY : AUDI vs LANCIA | Stefano Mordini (2024)

J’avais déjà eu l’occasion de le dire un jour dans un épisode de votre podcast préféré (après ceux sur le true crime on est bien votre podcast préféré, non ?), mais le sport automobile est, avec la boxe, l’un des plus faciles à transposer au cinéma. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit des rares sports où le pratiquant met réellement sa vie en jeu, ce qui permet pas mal de spectacle et de drames.
Si ce thème a donné naissance à de sacrés bons films comme RUSH ou LE MANS 66, il a également donné pas mal d’idées à des réalisateurs qui y ont trouvé une source d’inspiration certaine. Si RUSH parlait de Formule 1 dans les années 70, LE MANS 66 d’endurance dans les années 60, aujourd’hui je vous emmène dans le monde du WRC, le championnat du Monde des rallyes des années 80 avec RACE FOR GLORY.

Pour ceux qui ne sont pas trop familiers avec le WRC, disons que ça consiste à prendre des voitures de série, les modifier “légèrement” puis les balancer à 120 à l’heure sur des routes de campagne à travers le Monde sur lesquelles les autochtones ne dépassent le 30 qu’en serrant les fesses. S’il s’agit encore aujourd’hui d’une discipline dangereuse pratiquée par des malades, imaginez ce que c’était dans les années 80, à une époque où on considérait encore que s’encastrer dans un platane était, somme toute, une mort naturelle pour un pilote. 

Si aujourd’hui, elle est moins suivie que la F1 ou l’endurance, dans les années 80 c’était autre chose, notamment sous l’impulsion de ce qu’on appelait le “Groupe B”, une réglementation qui permettait de fabriquer des bolides d’une puissance peu commune et d’une dangerosité du même métal. 

Saupoudré d’un public qui aimait jouer à éviter les voitures au dernier moment. Autant vous dire que les accidents étaient monnaie courante.

Au début des années 80, comme le rappelle l’intro du film, le boss c’était Audi. Il faut dire qu’ils avaient eu l’idée d’aligner des voitures à quatre roues motrices et, sans vous bassiner avec des détails techniques (auxquels je n’ai de toutes façons rien compris), disons que cela offre un avantage certain quand vous voulez, par exemple, garder le contrôle de votre véhicule alors que vous roulez à toutes berzingues sur une route pas conçue pour. De son côté, Lancia était restée aux deux roues motrices mais comptait plus sur leur savoir-faire et une certaine ruse pour montrer aux types d’en face que eux aussi savaient fabriquer des voitures.

A ce titre, la saison 1983 est restée dans les mémoires comme l’apogée du duel entre Lancia et Audi, chacun incarnés par leurs team principals : Cesare Florio (Riccardo Scamarcio) et Roland Gumpert (joué par… Daniel Brühl qui jouait également Niki Lauda dans RUSH).

Le film se concentre essentiellement, d’ailleurs, sur le personnage de Cesare Florio, dépeint ici comme un type intelligent et un peu roublard sur les bords qui s’embarrasse peu de conventions et ne vit que pour la course, le risque et le bruit des moteurs.  Opposé à lui, donc, Roland Gumpert et Audi, présentés comme la grosse machine allemande à laquelle personne ne résiste. Je ferais bien un parallèle avec David contre Goliath si le film ne le faisait pas déjà.

Ce que je ferais bien, en revanche, c’est un sacré parallèle avec LE MANS 66, à ceci près que ce coup-ci  les italiens qui travaillent à l’ancienne sont du côté des gentils.

Comme dans LE MANS 66, d’ailleurs, certaines libertés ont été prises avec les vrais événements (il y a carrément un disclaimer à la fin qui précise que, bon, ils ont “peut-être” pas trop respecté les faits). Parfois, le cinéma impose de sacrifier la réalité sur l’autel du spectacle, certes, mais si vous êtes un fan de rallye (et donc la première cible de ce film), vous risquez de froncer les sourcils. RACE FOR GLORY va, par exemple, transposer en 1983 des événements ayant eu lieu avant ou après, enjoliver certaines choses, inventer des personnages et ne se concentrer que sur deux pilotes (dont un fictif), certains cracks de l’époque comme Hannu Mikkola, Michèle Mouton ou Ari Vatanen étant relégués au rôle de figurants.

Concernant le cœur du réacteur, c’est-à-dire les scènes de courses et bien, disons que le film en est un peu avare. 

On sent que le budget était assez serré et souvent les rallyes vont se limiter à quelques plans, entremêlés de vraies images d’archives. Alors le résultat n’est pas déshonorant : non seulement ça renforce l’immersion dans l’époque et le fait d’avoir opté pour un montage dynamique plutôt que des plans longs masque le fait que l’équipe n’avait pas forcément les moyens de réaliser des plans séquences ou des cascades.

Ajoutons à ça que le rallye est un sport où les pilotes passent chacun leur tour et où les batailles en pistes, qui font d’ordinaire le sel de ce genre de film, sont donc quasi absentes, la seule présente dans le film est insérée au chausse pied et son enjeu n’est pas énorme.
En d’autres termes, niveau bagnoles ont reste quand même un peu sur sa faim…

“Alors”, me demanderez vous, “que font-ils, nos personnages s’ils ne roulent pas ?”.

Et bien ils parlent.

Evidemment, on ne pouvait pas faire une heure quarante-cinq de “vroum vroum” sans interruptions mais j’aurais pas mal aimé que les scènes de dialogues fassent au moins un peu monter la tension. Nous n’avons, par exemple, que de brefs échanges entre Florio et Gumpert et une fois que l’un a traité l’autre de filou et que l’autre lui a répondu de balayer devant sa porte et bien nous n’aurons pas d’autre vraie confrontation. On en vient même à ne pas trop en avoir quelque chose à faire de qui gagne à la fin.


Quant au dialogues en eux-mêmes, ils ne sont ni bons ni mauvais, ils existent. C’est souvent une accumulation de platitudes et de poncifs servant surtout de tremplin à Florio pour expliquer pourquoi il aime la course. Je vous avoue qu’on a parfois l’impression d’être devant MICHEL VAILLANT (pas la BD, le film). 

En définitive, que penser de RACE FOR GLORY ? Et bien qu’il n’est pas déshonorant mais que je demande qui il va satisfaire. 

Si vous allez le voir juste parce que vous avez vu LE MANS 66 et que revoir un film similaire vous intéresse alors que tout ce que vous connaissez du rallye c’est Sébastien Loeb et les vidéos de Vilebrequin, le film va vous intéresser mais vous n’allez pas apprendre grand chose. Si vous allez le voir parce que vous aimez le rallye, vous apprécierez de revoir une période qui vous est chère reconstituée avec soin et votre fibre nostalgique va vous titiller dans le bon sens. Par contre, pas mal de détails risquent de vous faire sortir du film. 

On se retrouve donc avec un film qui souffre non seulement de la comparaison avec ceux dont il s’inspire et même avec un mini documentaire de Jeremy Clarkson (pour l’émission Top Gear) qui résume la même histoire en 20 minutes. L’exercice n’était pas facile et peut-être un jour un autre film rendra hommage à l’âge d’or du rallye aussi bien que RACE FOR GLORY avait l’intention de le faire.
En attendant ce jour, portez vous bien

Et ne vous mettez si près des voitures on vous dit !